Négociations dans le secteur public
Blitz de discussions jusqu’à lundi
La Presse
QUÉBEC — Tout est en place pour la conclusion d’une entente, la semaine prochaine, entre le gouvernement du Québec et les centrales syndicales représentant ses 550 000 employés.
Une réunion convoquée en soirée, hier, devait amorcer la dernière ligne droite des négociations.
À Québec, le Conseil des ministres tiendra une réunion spéciale après la période des questions, aujourd’hui.
Le gouvernement se réunit juste avant un premier départ pour Paris du premier ministre Philippe Couillard – il reviendra lundi, mais s’envolera de nouveau le vendredi 5 décembre pour participer à la conférence sur le climat. La semaine prochaine, il sera donc à Québec avec l’objectif de participer à la conclusion d’une entente avec le secteur public. Désormais, plus personne à Québec ne parle du scénario d’une loi spéciale pour décréter les conditions de travail des employés de l’État.
La réunion d’aujourd’hui devrait être l’occasion de faire le point avec l’ensemble des ministres sur les négociations alors que la ligne d’arrivée est en vue. L’ensemble des tables sectorielles – on en compte une cinquantaine en santé comme en éducation – a eu hier le mandat d’accélérer les discussions pour un blitz qui durera toute la fin de semaine. Pour tous ces groupes, l’objectif clair est d’en arriver à une entente d’ici dimanche soir, au plus tard lundi.
Des pans entiers des demandes patronales sont déjà tombés, du côté des infirmières d’abord, puis dans les ratios maître-élèves en éducation. Tout récemment, l’essentiel des demandes patronales en santé a été mis de côté.
Le temps presse aussi pour les syndicats. Le Front commun montre des signes de fatigue ; les enseignants membres de la CSQ dans Champlain, sur la Rive-Sud de Montréal, s’opposent de plus en plus ouvertement aux jours de débrayage coûteux. Des sources syndicales confient que la CSQ n’avait guère le choix de déplacer en 2016 des jours de grève annoncés pour décembre à l’origine. Les 80 millions de dollars supplémentaires annoncés pour le secteur de l’éducation par le ministre Carlos Leitao visent aussi à assainir le climat avec les enseignants.
Comme beaucoup de déblaiement est déjà fait « en exploratoire » du côté salarial, le défi des prochains jours sera d’en arriver à une entente sur les changements proposés par Québec à propos du régime de retraite. Québec veut faire passer de 60 à 62 ans l’âge minimal d’accession à la retraite sans pénalités actuarielles ; il a repoussé l’échéance de 2017 à 2019. Les centrales syndicales ne paraissent pas disposées à faire des concessions sur la retraite.
« Il faut que cela se règle dans les prochains jours, il reste une semaine pour s’entendre », confie-t-on du côté syndical. Pour maintenir la pression à l’approche du moment crucial, les centrales ont annoncé une grève générale du secteur public pour le 9 décembre. Toutefois les discussions exploratoires à la table centrale sont suffisamment avancées pour que Québec puisse miser sur une entente globale avant que l’Assemblée nationale ne suspende ses travaux pour les Fêtes, vendredi prochain.
Au Conseil du trésor, on confirme que « les gens s’activent et on espère une entente négociée d’ici Noël », mais on refuse de commenter des scénarios plus hâtifs.
« Les syndicats font preuve d’ouverture, alors on est dans une phase d’intensification des travaux aux tables de négociation. Et dans ce contexte-là, le gouvernement est prêt à donner une chance au coureur, et c’est dans ce processus-là qu’on est actuellement. Je n’en dirai pas plus. Ça s’intensifie. »
— Martin Coiteux, président du Conseil du trésor
La décision d’accélérer les discussions sectorielles vient d’un commun accord entre le gouvernement et les centrales, assure-t-on. Québec devrait sous peu déposer une nouvelle proposition salariale à la table centrale, susceptible de rapprocher considérablement les parties. Pour sauver la face, du côté syndical, on explique que les centrales ont besoin d’une offre qui éliminerait chaque année de gel salarial – la proposition actuelle de Québec, sur cinq ans, est une année à zéro, suivie de trois à 1 %, et finalement un autre gel pour la dernière année.
La semaine dernière, les syndicats, qui demandaient 13,5 % sur trois ans à l’origine, sont revenus avec une contre-proposition d’environ 9 % sur trois ans – 2,9 %, 2 % et 2 % et une réserve pour l’augmentation du coût de la vie. Le gouvernement avait revu son offre, avançant essentiellement d’un an ses trois augmentations annuelles de 1 %, laissant un gel pour la première et la dernière année d’un contrat de cinq ans.
Sur le front salarial, Québec a comme « scénario » un paiement forfaitaire, dans les deux premières années de la convention collective, une solution qui, parce qu’elle n’est pas intégrée aux échelles salariales, a beaucoup moins d’impact pour les fonds publics. On évoque une enveloppe d’environ 200 millions qui représente autour de 0,5 % de la masse salariale. Pas question pour Québec de réduire la durée de sa proposition, une manœuvre qui aurait pu balayer sous le tapis la dernière année de gel.
Autre question financière, le gouvernement est prêt à payer la note pour faire disparaître des irritants apparus lors de la construction d’une nouvelle grille salariale pour tenir compte de la relativité salariale. Les syndicats ont beaucoup collaboré à ces calculs ; ce volet est un incitatif puissant en faveur d’une entente, l’équivalent d’une augmentation de 2,3 % par année. Cette réévaluation suppose une injection de 550 millions de la part de Québec, mais, si la grande majorité des syndiqués gagnerait au change, environ 18 000 personnes verraient leurs salaires réduits. Québec a déjà dit qu’il était d’accord pour « améliorer le modèle » pour que tous conservent leurs acquis, ce qui se traduit par une facture supplémentaire d’une vingtaine de millions.
APPUI À LA GRÈVE
Une majorité de Québécois appuie le mouvement de grève dans les secteurs de l’éducation et de la santé, révèle un sondage CROP–
. Quelque 51 % des répondants l’approuvent, alors que 40 % se disent contre. Neuf pour cent sont indécis. Ce sont les femmes (55 %) et les 18-34 ans (59 %) qui se rangent derrière les moyens de pression des syndicats dans une plus grande proportion. Le coup de sonde a été réalisé du 16 au 18 novembre au moyen d’un panel web. Mille questionnaires ont été remplis.— Tommy Chouinard,